couverture

Résumé

La carte n’est pas le territoire. Oeuvre de l’esprit, interprétation de l’espace, elle est restée longtemps l’apanage du pouvoir, l’expression des dominants, véhiculant des représentations partiales, douteuses ou orientées. Une mise en ordre qui fabrique parfois l’ordre bien réel de nos sociétés. Dressé dans les années 1970, ce constat critique bouleverse encore aujourd’hui la lecture des cartes.

Cet atlas s’inscrit dans ce mouvement intellectuel en plein essor : il se veut être un exercice de cartographie critique appliquée à un espace donné. Les auteurs, géographes spécialistes de la discipline, ont choisi la Guyane – mais leur méthode pourrait s’appliquer à n’importe quel « terrain » – parce qu’elle forme un espace singulier, une « île » méconnue, rebelle aux méthodes classiques de représentation (par l’immensité du massif amazonien, difficilement accessible). Région à forts enjeux politiques et économiques, ses cartes voient s’affronter des visions très différentes, des divergences de regards sur l’Histoire.

Cet ouvrage questionne des cartes existantes en procédant à une analyse virtuose de tous les grands problèmes de leur fabrique (confiner, délimiter, détecter, collecter, nommer) à leur usage (mesurer, planifier, révéler, figer, relier). Il traite aussi des thèmes cruciaux de cet espace en produisant pour ce faire des cartes originales sur les frontières, le littoral, la forêt, les circulations, l’orpaillage, la toponymie, la topographie, le foncier, l’urbanisme, les relations géopolitiques, la biodiversité… Tandis que les deux derniers chapitres « Imaginer, la Guyane par les cartes » et « Oublier, le blanc des cartes » réinterrogent la carte jusque dans la logique de ses suppositions ou de ses omissions. En multipliant les points de vue, cet atlas fait émerger les co-vérités d’un territoire, divers, complexe à décrire, sans jamais pouvoir y arriver complètement, comme s’il y avait pour cette « île » et le monde en général une impossibilité, un « in-cartographiable » irréductible.





Table des matières

Plus de 330 pages et plus de 400 illustrations

Sommaire

Sommaire

Contributeurs

Plus de 80 contributeurs (géographes, cartographes, sociologues, historiens, anthropologues, archéologues, ethno-botanistes, linguistes, etc.) ont participé à cet ouvrage collectif, coordonné par Matthieu Noucher et Laurent Polidori, avec le soutien d'un comité scientifique de 12 membres, d'une équipe de cartographes et géomaticiens et d'un directeur artistique.


LE COMITE SCIENTIFIQUE

Xavier Amelot, géographe, enseignant-chercheur à l’Université Bordeaux Montaigne
Élisabeth Botrel, juriste en droit privé, enseignante-chercheure au Conservatoire National des Arts et Métiers, ESGT Le Mans
Béatrice Collignon, géographe, enseignante-chercheure à l’Université Bordeaux Montaigne, Directrice de l’UMR Passages
Damien Davy, anthropologue, chercheur au CNRS et Directeur de l’OHM Oyapock
Stéphane Granger, géographe, professeur d’histoire-géographie au lycée Melkior-Garré de Cayenne
Irène Hirt, géographe, enseignante-chercheure à l’Université de Genève
Laurent Jégou, géographe cartographe, enseignant-chercheur à l’Université de Toulouse Jean Jaurès
Pierre Joubert, géomaticien, responsable du Système d’Information du Parc amazonien de Guyane
Thierry Nicolas, géographe, enseignant-chercheur à l’Université de Guyane
Frédéric Piantoni, géographe, enseignant-chercheur à l’Université de Reims
Philippe Rekacewicz, géographe cartographe, chargé de recherche, département d’anthropologie à l’Université d’Helsinki
Stéphen Rostain, archéologue, chercheur au CNRS à l’ArchAm, Paris

LA PRODUCTION CARTOGRAPHIQUE

L’atlas critique de la Guyane remobilise des cartes existantes pour les commenter. Elles sont alors signalées par des encadrés ombrés et leur origine est explicitée. L’ouvrage propose également des cartes inédites. Sauf mention contraire, toutes les cartes et graphiques inédits ont été réalisés par l'équipe « Analyse et Représentation des Données » de l'UMR Passages : Olivier Pissoat, Grégoire Le Campion, Delphine Montagne et Julie Pierson. Quelques planches cartographiques originales ont également été produites par Cyril Suss.

LA DIRECTION ARTISTIQUE

La conception de la maquette et la mise en page ont été assurées par Grégoire Gitton.

LES AUTEURS

Régine Alexandre est professeur certifiée d’histoire et de géographie et docteur en géographie de l’Université de Bordeaux. Elle est co-fondatrice de la revue Équinoxe.
Waiso Michel Aloïké a été guide interprète de Marie Fleury durant plusieurs années pour ses enquêtes ethnobotaniques. Jeune Wayana, élevé par son grand-père à Twenké, il a créé une entreprise de transport et organise des expéditions dans le sud de la Guyane, vers les Tumuc-Humac, afin de faire découvrir la région aux touristes.
Tasikale Alupki est un habitant du village de Taluwen. Il est piroguier et fin connaisseur d'artisanat traditionnel, a orchestré la réfection du Tukusipan, carbet communautaire, dans son village, mais aussi à Elahé. Il est président de l'association Kaptelo, signataire d’une convention tripartite entre Kaptelo, Muséum National d'Histoire Naturelle et Parc amazonien de Guyane, pour la réalisation des travaux de cartographie participative.
Xavier Amelot est géographe, maître de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne, membre de l’UMR Passages, travaille dans une perspective de géographie sociale et de cartographie critique, à la façon dont est produite et utilisée l’information géographique numérique environnementale.
Edward Anthony est professeur à Aix-Marseille Université, membre du laboratoire CEREGE à Aix en Provence, et en délégation CNRS au LEEISA. Géographe, il travaille dans les champs étroitement liés de la géomorphologie dynamique, la sédimentologie, l’écologie, et l’aménagement des littoraux.
Nicolas Baghdadi est directeur de recherche à Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), à Montpellier. Il est actuellement directeur scientifique du pôle thématique surfaces continentales Theia.
Françoise Bahoken est chargée de recherche MTES à l'Université Gustave Eiffel et associée au laboratoire Géographie-Cités. Elle s'intéresse aux concepts, méthodes et outils de cartographie des mobilités et des interactions spatiales par des flux.
Pierre Baulain est professeur d'histoire-géographie dans l'Éducation Nationale et archéologue. Il a grandi en Guyane avant d'y revenir pour y enseigner quelques temps dans le collège de la commune de Saint-Georges de l'Oyapock.
Julien Béziat est maître de conférences en arts plastiques, membre de l’équipe de recherche ARTES, laboratoire des arts à l’Université Bordeaux Montaigne. Il travaille sur les relations entre art et cartographie, et sur l’illustration contemporaine.
Élisabeth Botrel est enseignante-chercheuse en droit privé au Conservatoire National des Arts et Métiers, membre du laboratoire Géomatique et Foncier. Ses travaux de recherche portent notamment sur la place du contrat dans l’analyse des enjeux fonciers.
Stéphanie Bouillaguet est chargée de communication au Parc amazonien de Guyane.
Aurélien Brusini est photographe-reporter, vidéaste, directeur artistique et auteur.
Cristèle Chevalier est chargée de recherche de l’IRD, membre de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie – OSU Institut Pythéas à Marseille. Océanographe physicien, elle travaille sur la problématique de la dynamique des micro-organismes et des contaminants en mer et leur impact sur la vulnérabilité des systèmes complexes que sont les écosystèmes marins.
Christine Chivallon est directrice de recherche au CNRS, membre du laboratoire Passages à Bordeaux. Anthropologue et géographe, elle consacre ses recherches aux sociétés à fondement esclavagiste et à la mémoire de l’esclavage. Elle s’intéresse également à « la vie des concepts » et à leurs usages dans le monde de la science.
Gérard Collomb est chercheur associé au IIAC-LAIOS (EHESS/CNRS). Anthropologue, il travaille sur le politique chez les amérindiens Kali'na, et sur la production d'une société pluriculturelle en Guyane et au Suriname.
Pascale Cornuel est agrégée d’histoire et docteur ès lettres. Sa thèse et ses publications scientifiques portent toutes sur Anne-Marie Javouhey, son œuvre et les questionnements qu’elle suscite. Elle est notamment l’auteure de La Sainte entreprise - Vie et voyages d’Anne-Marie Javouhey (1779-1851) paru en 2020 aux Éditions Alma.
Marion Comptour est post-doctorante au CNRS au sein du laboratoire LEEISA à Cayenne. Son champ de recherche concerne la dynamique des activités agricoles dans un contexte d’urbanisation et de migration.
Romain Cruse est géographe, enseignant en géopolitique et relations internationales à l’ICEA (Martinique), il mène des recherches dans la région Caraïbe/Guyanes depuis une quinzaine d’années.
Philippe Cuny est professeur à Aix-Marseille Université, membre de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie – OSU Institut Pythéas à Marseille. Écologue microbien marin, il travaille sur la problématique de la dynamique des contaminants en mer et sur la vulnérabilité des systèmes complexes que sont les écosystèmes marins.
Jeanne da Silveira est cheffe du service « transition écologique et connaissance territoriale » de la Direction Générale des Territoires et de la Mer de Guyane.
Damien Davy est ingénieur de recherche au CNRS (laboratoire LEEISA de Cayenne). Anthropologue et ethnoécologue, il dirige l’Observatoire Hommes-Milieux Oyapock. Ses travaux portent sur les savoirs liés à la nature chez les peuples Amérindiens de Guyane, il travaille également sur les relations au territoire.
Lucie Déjouhanet est maître de conférences en géographie à l'Université des Antilles (AIHP-GEODE EA 929 / UMR LADYSS), membre junior de l'Institut Universitaire de France et de l'Institut des Migrations. Elle étudie l’usage des ressources naturelles et les filières économiques associées.
Gutemberg de Vilhena Silva est géographe, professeur et chercheur à l'Université fédérale de l'Amapá (UNIFAP) au Brésil. Il travaille sur la géographie régionale et politique de la région des Guyanes.
Aurélie Dourdain est ingénieur en géomatique à l’UMR EcoFoG, CIRAD. Elle travaille sur la valorisation des inventaires dendrométriques et des données spatialisées du dispositif de recherche forestière de Paracou.
Guy Di Méo est professeur émérite de géographie à l’Université Bordeaux Montaigne et membre du laboratoire Passages, spécialiste de géographie sociale et culturelle.
Marie Fleury est docteur en pharmacie et en biologie végétale tropicale, ethnobotaniste et directrice de l'antenne du Muséum National d'Histoire Naturelle en Guyane. Elle travaille en Guyane, en particulier sur le Haut Maroni, depuis 1986, d'abord chez les Noirs marrons Aluku, et depuis 1996 chez les Amérindiens Wayana. Elle est aussi présidente de l'association GADEPAM, qui a pour objectifs la valorisation des savoir-faire traditionnels dans une démarche d'économie sociale et solidaire.
Pierre-Michel Forget est professeur du MNHN, membre de l'UMR MECADEV à Brunoy. Écologue, il étudie depuis 1984 les interactions plantes-animaux à la station biologique des Nouragues et les effets de l’anthropisation des écosystèmes forestiers tropicaux.
Jérôme Fozzani est géomaticien au CNRS au sein du laboratoire LEEISA à Cayenne.
Pierre Gautreau est maître de conférences - HDR à l'Université Panthéon Sorbonne. Il analyse les enjeux politiques et sociétaux des instruments de conservation de la nature contemporains, au croisement de la Political ecology et des Science and technology studies.
Antoine Gardel est chercheur au CNRS, membre du laboratoire LEEISA à Cayenne. Géographe, il étudie au travers de la géomorphologie les causes de la grande instabilité du littoral de la Guyane à l'aide d'observations de terrain et d'images satellite.
Grégoire Gitton est directeur artistique. Il a assuré la conception de la maquette et la mise en page de l'atlas.
Luis Alejandro Ávila Gómez est doctorant en géographie mention géopolitique à l’Institut Français de Géopolitique de l’Université Paris 8. Il travaille dans le champ de la géopolitique sur les dynamiques territoriales des disputes de souveraineté.
Sophie Gonzalez est ingénieure d’études, conservatrice de l’Herbier IRD de Guyane depuis une quinzaine d’années, elle a en charge la gestion, la valorisation et la conservation de la structure Herbier et de ses 200 000 spécimens de plantes vasculaires.
Françoise Gourmelon est chercheure au CNRS, dirige l'unité multisite LETG (Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique). Géographe, elle travaille dans le champ de la géomatique sur ses différents thèmes (de la production d'information géographique à ses usages dans des contextes variés notamment la mer et le littoral).
Stéphane Granger est professeur d’histoire-géographie à Cayenne, chargé de cours à l’Université de Guyane, membre du comité scientifique de l’OHM-Oyapock. Docteur en géographie, il travaille plus particulièrement sur l’intégration régionale de la Guyane.
Luc Greffier est maître de conférences en géographie sociale, IUT/Université Bordeaux Montaigne, membre de l’UMR Passages. Il travaille sur les territoires et pratiques en lien avec l’animation socioculturelle et les temps libérés.
Pierre Grenand est directeur de recherche émérite à l'IRD ayant dirigé divers grands programmes pluridisciplinaires nationaux et internationaux. Anthropologue de formation, il s'est spécialisé dans des recherches en ethnobiologie et ethnohistoire, essentiellement en Guyane française et en Amazonie brésilienne.
Juliette Guirado est directrice de l’AUDeG, urbaniste OPQU. Elle exerce en Guyane depuis 2002 dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement avec le développement de compétences spécifiques sur l’analyse territoriale, le projet urbain, le paysage, la planification ainsi que l’urbanisme préopérationnel.
Stéphane Guitet est ingénieur forestier et docteur en écologie appliquée aux écosystèmes, il travaille depuis une vingtaine d’années sur la caractérisation de la diversité, le suivi et l’amélioration de la gestion de la forêt guyanaise. Il travaille aujourd’hui à l’ONF Guyane, en charge du service bois et gestion durable.
Leïla Hamidi est ingénieur en aménagement du territoire. Elle a été responsable de l’unité « Planification, aménagement du territoire et mobilités » à la DEAL Guyane.
Matthieu Hildebrand est ingénieur au Service de l’archéologie de Guyane. Il travaille sur les modes d’acquisition, l’usage et la mise en forme des données topographiques appliquées à l’archéologie.
Théo Jacob est post-doctorant au sein de l’ANR COLLAB2 et chercheur associé à l’UMR PALOC (IRD-MNHN). Sociologue politique, il analyse la contribution de la norme environnementale aux évolutions contemporaines du libéralisme et aux processus de réforme de l’État.
Marquisar Jean-Jacques prépare actuellement une thèse en géographie à l’Université de Guyane au sein du LEEISA. Elle réalise une analyse comparative de la construction des territoires côtiers du Guyana, du Suriname et de la Guyane française depuis le XVIIe siècle à la période contemporaine.
Morgane Jolivet a soutenu sa thèse au sein du laboratoire LEEISA. Elle est spécialiste de la morphologie et de la dynamique des littoraux de Guyane. Elle étudie plus particulièrement le fonctionnement des plages sablo-vaseuses de Guyane.
Pierre Joubert a travaillé comme géomaticien pour l’Office National des Forêts en Guyane de 1998 à 2010. Il a depuis intégré l’équipe du Parc amazonien de Guyane.
Patrick Lacaisse est artiste plasticien et enseigne les arts plastiques dans les collèges de l'ouest guyanais depuis 1990. Il est responsable artistique de la formation au Centre d'Art de Mana (Carma). Ses projets artistiques impliquent de nombreux créateurs et interrogent les problématiques coloniales contemporaines.
Dennis Lamaison est historien. S’inscrivant dans le courant de l’histoire globale, il travaille sur une déconstruction des archives coloniales permettant de sortir des récits européocentristes. La Guyane française à l’époque coloniale (XVIIe-XXe) est son principal terrain d’étude.
Bettie Laplanche est diplômée d’un master en géographie (Lyon III - ENS de Lyon). Elle a travaillé en tant que stagiaire au CNRS en Guyane sur les enjeux de territorialité à Kourou en y intégrant comme outil la cartographie participative.
Grégoire Le Campion est statisticien au CNRS, membre du Laboratoire Passages à Bordeaux.
Isabelle Léglise est directrice de recherche au CNRS (UMR SeDyL). Sociolinguiste, elle étudie les mobilités et rapports sociaux sur le plateau des Guyanes et s’intéresse à la prise en compte du multilinguisme dans l’éducation et la santé.
Clémence Léobal est chercheuse au CNRS, au laboratoire Lavue à Nanterre. Sociologue, elle travaille depuis plus de dix ans sur la sociologie urbaine de Saint-Laurent du Maroni et sur le fonctionnement de l’État postcolonial en Guyane.
François-Michel Le Tourneau est géographe et directeur de recherche au CNRS. Spécialiste de l’Amazonie brésilienne, il mène depuis 2016 des travaux sur l’orpaillage clandestin en Guyane française.
Sébastien Linarès est chef de projet en géomatique du ministère en charge de l’écologie. Il travaille en Guyane depuis une vingtaine d’années sur les problématiques de conservation des espaces naturels. Il est actuellement en poste à l’état-major de lutte contre l’orpaillage illégal.
Serge Mam Lam Fouk est professeur émérite à l’Université de Guyane, membre du laboratoire Migration Interculturalité et Éducation en Amazonie (MINEA). Ses champs de recherche sont l’histoire de la Guyane, l’histoire économique, sociale, politique et culturelle.
Marie Masson est professeure d’histoire-géographie au lycée Lama-Prévot à Rémire-Montjoly et formatrice en Guyane. Elle est co-fondatrice de l’association Concours Carto qui permet aux jeunes de 8 à 18 ans de découvrir et de pratiquer la cartographie.
Marie Mellac est enseignante-chercheure en géographie, membre du laboratoire Passages à Bordeaux. Elle s'intéresse aux enjeux fonciers agricoles, depuis 25 ans en Asie du Sud-Est et depuis cinq ans en France. Elle travaille actuellement dans une perspective de géographie du droit.
Mickaël Mestre est ingénieur de recherche à l'Inrap à Cayenne. Archéologue, il a dirigé de nombreux chantiers de fouilles préventives et des diagnostics archéologiques en contexte forestier amazonien notamment sur des sites à fossés précolombiens.
Delphine Montagne est géomaticienne à l'Université de Pau et Pays de l'Adour, membre du Laboratoire Passages à Pau.
Vincent Moracchini était urbaniste à Saint-Laurent du Maroni au sein de l’EPFA Guyane pendant près de quatre ans. Il travaille dans les domaines de la planification, de la programmation et de l’aménagement urbain. Il a contribué à l’émergence du Maroni Lab.
Valérie Morel est maître de conférences à l’Université d’Artois, membre de l’UR Discontinuités. Géographe, elle travaille en géographie de l’environnement sur la construction des territoires littoraux et les risques naturels et sanitaires en situation littorale et de marge.
Jérôme Murienne est chercheur au CNRS, membre du laboratoire Évolution et Diversité Biologique à Toulouse. Il travaille sur la biodiversité amazonienne et notamment sur le développement de méthodes de suivi de la biodiversité basées sur l’ADN environnemental.
Thierry Nicolas est enseignant-chercheur en géographie à l’Université de Guyane, membre du laboratoire MINEA.
Matthieu Noucher est chercheur au CNRS, membre du laboratoire Passages à Bordeaux. Géographe, il travaille dans le champ de la cartographie critique sur les enjeux socio-politiques de la fabrique et de l'usage de l'information géographique numérique.
Guillaume Odonne est chercheur au CNRS membre du LEEISA, à Cayenne. Ethnobiologiste, il s'intéresse aux dynamiques des savoirs locaux liés à la biodiversité en Amazonie. Entre "traditions" et modernité, il interroge autant leur nature que leurs évolutions.
Aimawale Opoya est habitant du village de Taluwen, féru de culture et d'histoire de son peuple. Il a beaucoup travaillé avec des anthropologues comme J. Chapuis, et travaille aussi comme traducteur avec Marie Fleury. Artiste réputé, il excelle dans la réalisation des ciels de case. Il a été récemment nommé chef coutumier de son village.
Marianne Palisse est maître de conférences en anthropologie à l’Université de Guyane - LEEISA (Laboratoire Écologie, Évolution, Interactions des Systèmes Amazoniens). Elle travaille sur l’appropriation des territoires en situation de multiculturalité.
Anne Péné-Annette est maître de conférences en géographie à l'Université des Antilles. Elle mène des recherches, depuis une vingtaine d'années, sur les questions de front pionnier énergétique et minier, en particulier dans la Guyane du Venezuela.
Frédéric Piantoni est maître de conférences en géographie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, rattaché à l’UMR Ceped. Il travaille depuis 15 ans sur les effets sociaux et territoriaux des circulations migratoires. Il a publié L’enjeu migratoire en Guyane, une géographie politique, Ibis Rouge (2009) et Migrants en Guyane, Actes Sud (2011).
Julie Pierson est géomaticienne au CNRS, membre du Laboratoire Passages à Bordeaux.
Olivier Pissoat est cartographe au CNRS, membre du Laboratoire Passages à Bordeaux.
Laurent Polidori est professeur au CNAM en détachement au CNRS, directeur du Centre d'Études Spatiales de la Biosphère à Toulouse. Spécialiste en télédétection spatiale, il travaille principalement sur les environnements tropicaux.
Monique Pouliquen est Conservateur en chef honoraire aux Archives nationales (ancienne section d'Outre-mer) et se consacre à l'histoire de la colonisation française, particulièrement aux Antilles et la Guyane. Elle a participé aux recherches historiques de Jean Hurault sur la Guyane et a notamment publié deux rapports sur les frontières guyanaises, Contesté du Maroni, Contesté de l’Oyapock, et une étude sur Jean-Baptiste Leblond.
Jean-Yves Puyo est géographe, professeur des universités, membre du laboratoire Passages à l’université de Pau et des Pays de l’Adour. Ses travaux se consacrent à l’étude de l’évolution de la pensée aménagiste (XIXe-XXe siècles, principalement en contexte colonial) ainsi qu’à celle des rapports géographie - littérature - imaginaire (romans géographiques, BD).
Stéphen Rostain est archéologue et directeur de recherche au CNRS. Il travaille depuis 35 ans en Amazonie, surtout en Guyane et en Équateur, où il a organisé plusieurs projets interdisciplinaires et internationaux, notamment à travers une approche d’écologie historique.
Boris Ruelle est ingénieur d’étude en géomatique. Après une expérience en institut de recherche, il a travaillé quinze ans sur les thématiques urbanisme, habitat, économie et foncier. Il est actuellement responsable du service « Information Géographique » de la Collectivité Territoriale de Guyane.
Daniel Sabatier est botaniste, écologue des forêts tropicales, chercheur à l’IRD au sein du laboratoire AMAP.
Mara Sierra Jiménez est géographe, chercheuse post-doctorale à l'Université de Strasbourg au laboratoire Dynamiques Européennes. Elle travaille sur la représentation de l'environnement et de la nature chez les jeunes et sur les dispositifs d'éducation à l'environnement et au développement durable pour la jeunesse.
Cyrille Suss est cartographe indépendant. Il travaille principalement pour le monde de l'édition et collabore régulièrement avec les éditions Hachette Livre, Gallimard, Magnard, Autrement.
François Taglioni est professeur des universités à l’Université de La Réunion, membre de l’UMR Prodig et de l’EA OIES. Il travaille sur la thématique des risques sanitaires et animal ainsi que sur la santé environnementale.
Marc-Alexandre Tareau est docteur en ethnobotanique et en anthropologie de la santé. En poste d’ATER à l’Université de Guyane, et affilié au laboratoire LEEISA, ses travaux portent essentiellement sur les modes d’interrelations entre humains et nature au sein des différentes populations du Plateau des Guyanes.
Christiane Taubira est économiste. Elle a été Garde des Sceaux ministre de la Justice (2012-2016), Députée de Guyane (1993-2012). Elle est également auteure d’essais dont Nous habitons la Terre.
Dénétèm Touam Bona est artiste-chercheur, auteur notamment de l’essai philosophique et littéraire Fugitif, où cours-tu ? (éd. PUF), consacré au marronnage et aux formes de vie et de résistance furtives.
Julien Touroult est directeur de l’UMS PatriNat (OFB, CNRS, MNHN) service spécialisé dans les questions de connaissance de la nature appliquées aux politiques de conservation. Entomologiste et ingénieur forestier, il a notamment conduit de nombreux inventaires naturalistes aux Antilles et en Guyane.
Pascal Tozzi est professeur des universités en aménagement de l'espace et urbanisme, habilité à diriger des recherches en science politique et directeur-adjoint de l'UMR Passages. Ses travaux portent notamment sur les enjeux territoriaux de la durabilité et la participation des habitants.
Moïse Tsayem Demaze est géographe, professeur à l'Université du Mans. Il a travaillé en Guyane française entre 1998 et 2008, sur la caractérisation des défrichements agricoles par télédétection. Ses recherches portent actuellement sur les politiques de lutte contre la déforestation en milieu tropical.

Introduction

Matthieu Noucher et Laurent Polidori (p. 4-8)

Pourquoi un atlas critique ?

Depuis plusieurs années, le succès éditorial des atlas est incontestable, traduisant à la fois le tournant spatial des sciences sociales et l’appétence croissante, bien au-delà du cercle des géographes, pour l’objet carte. À la fois « forme visuelle du savoir » et « forme savante du voir » selon l’expression de l’historien de l’art Georges Didi-Huberman (2011 : 13), l’atlas, comme forme visuelle de présentation de la connaissance, permet de recueillir « le morcellement du monde » (o.p.). Mais l’atlas est aussi un objet présomptueux. Dans une démarche cumulative similaire à celle de l’encyclopédie, les prétentions de l’atlas visent, en effet, selon la formule de Christian Jacob (1992 : 97), « une autre forme de complétude que la mappemonde. La multiplication des cartes en fait le lieu d’archivage du savoir géographique d’une époque. Tout atlas est une somme ». Mieux encore que les cartes isolées, les atlas fournissent une représentation des conceptions politiques ou idéologiques d'une société ou d'une culture donnée en manifestant des choix significatifs : types de projection, cadrages de l’espace représenté, variétés linguistiques des légendes, sélections des toponymes, modalités des traitements statistiques, paramétrages des discrétisations, choix sémiologiques, granularités spatiales et temporelles des données, blancs de la carte, etc. Ainsi, non seulement les atlas sont les formes d’un savoir socialement construit, subjectif et idéologique, mais ils agissent sur la société en véhiculant des catégories particulières d’analyse du monde. Les atlas génèrent donc une autoréférentialité qui confère à leurs cartes, plus qu’aux cartographes, une véritable capacité d’enrôlement. La mise en ordre cartographique conduit ainsi à une mise en ordre sociale et politique de l’espace (Noucher et al., 2019).

Fortes de ces constats, de multiples communautés de chercheurs questionnent depuis plusieurs décennies les usages sociaux des représentations cartographiques : pourquoi et comment différents types d’acteurs produisent-ils et utilisent-ils des cartes ? Dans quelle mesure les relations de pouvoir structurent- elles leurs modes d’élaboration et leurs usages ? Qualifié par les géographes anglophones de cartographie critique, ce courant de recherche s’est développé dans les années 90, dans la continuité des travaux précurseurs de Brian J. Harley dont le texte de référence « Deconstructing the map » est paru en 1989. Les nombreuses études menées depuis montrent dans quels contextes politiques et par quels processus sociaux les cartes sont produites et mobilisées, et dévoilent les intérêts, souvent implicites, qui se cachent derrière ces représentations. En prônant la déconstruction des cartes, cette approche a ouvert la voie à de nombreux travaux en géographie et plus généralement en sciences sociales. Dans une perspective souvent plus militante, des projets de cartographie participative ont également essayé de développer l’usage des cartes – et parfois aussi des techniques géo-numériques – dans des actions de démocratie participative. Cherchant alors à inverser le pouvoir des cartes, ces initiatives tentent de donner la voix à diverses minorités pour les accompagner dans la production de contre-cartes. Face à la cartographie conventionnelle, ces contre-cartographies proposent des contre-expertises en s'appuyant, par exemple, sur des « savoirs locaux ».

A travers ce projet d’atlas critique constitué d’une collection de cartes, graphiques, schémas et textes issus d’un collectif d’auteurs venus d’horizons variés, nous cherchons à mettre en lumière la diversité des imaginaires sociaux qui irriguent la fabrique cartographique des territoires. Considérant qu’une société se construit par la mise en dialogue de ses tensions plutôt que dans une vision synthétique qui évacuerait tout dissensus social, nous espérons que la confrontation des cartes proposées ici suscitera davantage de questions que de réponses et incitera ainsi à penser les espaces dans toute leur complexité. Ce faisant, un atlas critique n’est, selon notre acception, ni une photo à un instant « t » ni un tableau dressant la vérité du territoire telle qu’elle se présente au scientifique. Il s’agit plutôt, en multipliant les points de vue, de faire émerger les co-vérités (1) territoriales qui sont les produits d’autant d’interprétations. En effet, contrairement aux images acquises par satellite qui offriraient du territoire une vision objective, la carte est une oeuvre de l’esprit qui résulte d’une interprétation. Ainsi, suggérer la réalisation d’un atlas critique c’est avant tout chercher à dépasser la monographie régionale en proposant plutôt, sur une série de thèmes ciblés et sans prétention encyclopédique d’exhaustivité, des cartes multiples qui donnent à voir de façon dynamique et plurielle la complexité d’un territoire.

Pourquoi un atlas critique sur la Guyane ?

Les lignes directrices qui viennent d’être tracées pourraient potentiellement être expérimentées sur tout type de territoire à enjeux. Elles fournissent un cadre de référence que nous proposons de mettre à l’épreuve de la Guyane. La singularité de cet espace en pleine mutation et sa situation géographique témoignent des défis qui accompagnent toute ambition cartographique. L’étendue à couvrir, son faible taux d’occupation mais aussi les difficultés d’arpentage du massif amazonien ou son taux de couverture nuageuse élevé qui rend particulièrement délicates les prises de vue aériennes, en font un territoire rebelle aux méthodes classiques de cartographie. De plus, l’existence de désaccords politiques et culturels sur les messages à faire passer dans un atlas en raison d'une cohabitation d'acteurs ayant des visions très différentes, ainsi que les divergences de regards sur l’Histoire et la persistance de mythes géographiques - de l’Eldorado à nos jours - en font une région à forts enjeux pour qui s’intéresse à sa cartographie.

Si de grands récits cartographiques ont pu façonner une première lecture de son histoire (2), de multiples initiatives émergent ces dernières années : des géoportails institutionnels, des plates-formes scientifiques, des observatoires territoriaux, des projets de cartographie participative, des sites collaboratifs de partage des données… Les cartes officielles de l'État sont ainsi progressivement complétées, contournées, voire concurrencées par celles des communautés issues de la culture du Libre comme OpenStreetMap ou des multinationales de l'Internet comme Google mais aussi, localement, des opérateurs miniers, des associations de défense de l'environnement ou encore des représentants des peuples autochtones. Si cette profusion de « petites cartes » (3) permet de mettre en lumière des points de vue contrastés, elle ne doit pas masquer d’une part, des différentiels importants de visibilité et, in fine, d’autorité et d’autre part, les nombreuses lacunes informationnelles qui demeurent. L’enjeu de cet atlas critique de la Guyane est alors d’identifier et de déconstruire les représentations cartographiques dominantes mais aussi de tenter de les compléter (et non de leur opposer) d’autres représentations issues d’approches à la fois rigoureuses et alternatives pour offrir une vision kaléidoscopique de la Guyane qui en révèle toute la diversité.

Cette proposition éditoriale ne s’inscrit donc pas dans la lignée des atlas de la Guyane qui ont vu le jour depuis 50 ans. Sorti en 1978, le 4e opus de la collection des atlas des départements français d’outre-mer réalisée par le CEGET (CNRS/ORSTOM) fut le premier consacré à la Guyane. Dans un esprit et un format plus accessibles au grand public, paraît en 2000 la première édition de l’Atlas Illustré de la Guyane réalisé sous la direction de Jacques Barret. Sa dernière actualisation date d’une décennie (2008). L’objectif du présent atlas critique n’est pas de remplacer ou prolonger ces publications à visée encyclopédique mais de mettre en visibilité un état des connaissances sur la Guyane pour en faire ressortir à la fois la pluralité des points de vue qui cohabitent (parfois de manières complémentaires, parfois de manières contradictoires) mais aussi de mettre en exergue et de tenter d’interpréter les incertitudes qui demeurent. Ces enjeux nous semblent particulièrement d’actualité tant la crise qui a éclaté en mars 2017 et a paralysé la Guyane pendant plus de deux mois amène à s’interroger sur sa situation, au sens politique comme au sens géographique du terme. Les revendications multiples du printemps 2017 autour du collectif Pou Lagwiyann dékolé ont notamment mis en lumière le besoin pour la Guyane de mieux faire connaître et reconnaître ses spécificités et sa diversité, en particulier afin de sortir des schémas préconçus qui freinent toute initiative nouvelle. Les mythes cartographiques entretenus depuis des décennies ont leur part de responsabilité dans le maintien de ces schémas préconçus. Cet atlas critique de la Guyane se donne pour ambition de les déconstruire et de les mettre en dialogue avec des représentations plus diversifiées.

Interroger l’intentionnalité et la performativité des cartes

Nous proposons donc de mettre en débat quelques représentations (carto)graphiques dominantes de la Guyane : par leur déconstruction et leur reconstruction à partir d’autres méthodes de conception, d’au tres données, d’autres sémiologies, d’autres échelles, il s’agit à la fois d’essayer de dépasser les aprioris simplistes, de montrer une pluralité de points de vue et d’identifier les lacunes cartographiques encore nombreuses. Cet atlas a également pour vocation d’alimenter une réflexion épistémologique en travaillant sur de multiples exemples qui permettront d’illustrer les questions d’intentionnalité cartographique et de performativité des cartes qui sont au coeur de la recherche en cartographie critique.

Pour mener à bien ce double objectif - offrir une vision plurielle de la Guyane qui permette de déconstruire les représentations dominantes tout en stimulant une analyse critique du processus de production cartographique – cet ouvrage est organisé autour des grandes opérations de la fabrique cartographique. Le titre des chapitres reprend alors une idée de l’exposition “Cartes et figures de la Terre”, présentée en 1980 au Centre Georges Pompidou à Paris sous la direction de Jean-Loup Rivière. Cette exposition a été l’un des moments clés de l’élargissement des recherches sur la cartographie. Son catalogue (Rivière, 1980) reste une référence rassemblant des approches - de géographes, de mathématiciens, de philosophes, d’historiens, d’écrivains, etc. - aussi diverses que complémentaires sur l’objet carte. Le cheminement alors proposé s’articulait autour de trois verbes à l’infinitif – Voyager, Relever, Décider – indiquant par la même une pensée de la carte tournée vers l’action. C’est aussi une suite d’infinitifs que nous avons retenu ici pour structurer les 10 premiers chapitres de cet atlas critique afin de penser les cartes en actes : de leur fabrique (confiner, délimiter, détecter, collecter, nommer) à leur usage (mesurer, planifier, révéler, figer, relier). Chacun de ces « gestes cartographiques » (Besse et Tiberghien, 2017) permet alors d’aborder de multiples entrées thématiques sur le territoire guyanais : les frontières, le littoral, la forêt, les circulations, l’orpaillage, la toponymie, la topographie, le foncier, l’urbanisme, les relations géopolitiques, la biodiversité... Une fois de plus, l’ouvrage n’a aucune prétention encyclopédique et nombre d’autres thématiques importantes pour la Guyane (comme la santé, par exemple) auraient pu se prêter à cet exercice. Chacun de ces dix chapitres est alors organisé en trois temps. Un premier cadrage théorique (sur fond vert) permet de souligner les enjeux méthodologiques, politiques ou épistémologiques des opérations cartographiques étudiées, au-delà du contexte guyanais. La double-page suivante (encadrée par un liseré vert) expose une déconstruction des cartes dominantes sur le sujet traité appliqué à la Guyane. On s’inspire ici du travail de Brian J. Harley qui, dans la continuité des analyses de Foucault et Derrida sur les mécanismes du pouvoir, propose d’aborder la cartographie comme un discours parmi d’autres, dont il faut comprendre la rhétorique et les intentions. Déconstruire la carte, c’est alors « contester la naturalité et l’innocence apparentes du monde tel qu’il est révélé par les cartes passées et présentes », c’est remettre en cause « sa prétendue autonomie en tant que mode de représentation » (1989 : 62), en mettant en lumière le contexte social, culturel et idéologique qui accompagne toute production cartographique. Enfin, toutes les pages suivantes (sans fond et sans liseré) offrent des commentaires critiques conduisant à des représentations alternatives aux cartes dominantes précédemment déconstruites. En partant des mêmes données ou de sources radicalement différentes, elles offrent des approches contrastées de sujets qui ne peuvent se limiter aux cartes qui font autorité, qu’elles soient issues de la sphère institutionnelle ou commerciale. Plusieurs auteurs s’attachent également à montrer la carte en situation. En analysant différentes modalités de production ou d’usage, ces contributions permettent alors d’aborder la performativité des cartes et leurs effets sur les imaginaires. Comme le souligne Julien Béziat (2014 : 8), la carte est « moins un reflet qu’un effet, mais elle est un effet qui a la prétention du reflet. Autrement dit, l’imagination se fond dans un langage qui fait autorité, et qui, à force de conventions et d’habitudes du regard, fabrique des certitudes sur la manière d’être au monde et de le percevoir, et impose l’existence de l’espace cartographié ».

Les deux derniers chapitres « Imaginer, la Guyane par les cartes » et « Oublier, le blanc des cartes » permettent de terminer cet atlas critique en réinterrogeant la carte jusque dans la logique de ses suppositions ou de ses omissions. Ces derniers pas de côté permettent alors de pénétrer encore davantage dans les « coulisses du spectacle cartographique » (Desbois, 2018 : 321). Un cahier central incluant une dizaine de notices biographiques vient compléter l’ensemble. En mettant en avant les « faiseurs de cartes » (Bord et Meschinet de Richemond, 2018) qui ont participé à l’histoire de la cartographie de la Guyane, on souhaite réintroduire le cartographe comme une figure importante pour comprendre les choix, les intentionnalités, les décisions qui à chaque époque auront marqué des cartes. Certaines font encore autorité aujourd’hui. Enfin, pour ne pas conclure, quatre auteurs proposent une lecture distanciée de l’ouvrage permettant à la fois de faire preuve de réflexivité par rapport à la démarche engagée et d’ouvrir des perspectives que nous espérons stimulantes !

Une lecture transversale de l’atlas devrait ainsi permettre, d’une part, d’initier un ensemble de réflexions critiques sur la fine mécanique de la production cartographique ; d’autre part, l’ensemble offrira une vision inédite et diversifiée de la Guyane, et devrait ouvrir un horizon plus large que les grands récits cartographiques univoques d’antan. Pour ce faire, ce projet éditorial repose sur un collectif d’auteurs qui, par la diversité de leurs trajectoires personnelles et de leur relation à la Guyane, offre une lecture plurielle du territoire. Géographe, urbaniste, politologue, historien, sociologue, anthropologue, linguiste, ethnobotaniste, écologue, botaniste, physicien, géomorphologue, archéologue, philosophe, juriste, issus en grande partie, mais pas uniquement, de la sphère académique, habitant la Guyane, le Brésil, le Suriname, les Antilles, la Réunion, l’Hexagone, le Canada ou la Norvège, près de 80 auteurs ont participé à cette écriture collective. Ils étaient accompagnés de 5 cartographes qui ont su conjuguer leur savoir-faire technique et leur sens de la communication graphique pour mettre en cartes les messages des auteurs. Cette diversité des contributions permet d’envisager une géographie plurielle, une polyphonie assumée4 issue d’une volonté de proposer un récit non linéaire qui ne gomme ni les points de vue ni les conflits d’interprétation. Chaque représentation (carto)graphique est ainsi commentée dans une double optique : expliciter les choix méthodologiques et entrer en dialogue avec les autres représentations (dominantes ou alternatives) proposées pour chaque thème. De ce dialogue de cartes nous espérons premièrement, désacraliser les représentations dominantes en incitant le lecteur à y porter un regard distancié ; et, deuxièmement, susciter, pourquoi pas, des vocations nouvelles qui permettraient, à terme, d’enrichir cette pluralité de points de vue… car en reprenant la formule de Georges Didi-Huberman (op. cit.), cet atlas critique de la Guyane est avant tout conçu comme : « un outil, non pas de l’épuisement logique des possibilités données, mais de l’inépuisable ouverture aux possibles non encore donnés ».


(1) Nous empruntons cette notion à Nicolas Bouleau (2004). Partant du constat qu’un modèle élaboré avec soin est très difficile à “défaire” car ses hypothèses implicites et ses non-dits sont souvent complexes à déconstruire voire tout simplement à déceler, il propose la « modélisation critique » autrement dit la conception de plusieurs modèles pour faire émerger, autour de chaque phénomène étudié, des “co-vérités”.
(2) En témoigne, par exemple, l’ouvrage dirigé par F. Dupuy « Les Arpenteurs des confins. Explorateurs de l’intérieur de la Guyane (1720 – 1860) » publié en 2012 aux Éditions CTHS.
(3) Cette expression est utilisée pour marquer les ruptures techniques, historiques et politiques qui sont associées aux nouveaux modes de fabrique cartographique qui émergent depuis 15 ans avec le développement des usages des cartes sur le Web (Noucher, 2017)
(4) Si cette polyphonie passe par différentes formes de cartes, elle peut aussi se percevoir dans les différents formes d'écriture qui jalonnent l'ouvrage. Certains toponymes pouvant s'écrire de plusieurs façons différentes (Surinam ou Suriname, par exemple), certains auteurs souhaitant utiliser ou non l'écriture inclusive, nous avons délibérément choisi de ne pas harmoniser l'ensemble.

Extraits

Aperçus de quelques-unes des 330 pages et 400 illustrations des 12 chapitres qui forment l'Atlas Critique de la Guyane

Chap. 1 : confiner,
le fond de plan
Chap. 2 : délimiter,
les frontières
Chap. 3 : nommer,
la toponymie
Chap. 4 : mesurer,
la topographie
Chap. 5 : détecter,
la forêt
Chap. 6 : collecter,
la biodiversité
Chap. 7 : figer,
le littoral
Chap. 8 : relier,
les circulations
Chap. 9 : révéler,
l'orpaillage
Chap. 10 : gouverner,
le foncier
Chap. 11 : imaginer,
la Guyane par les cartes
Chap. 12 : oublier,
le blanc des cartes

On en parle

Manifestations et articles associés à la sortie de l'ouvrage.

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Référence complète de l'ouvrage :

Matthieu Noucher et Laurent Polidori (dir.), Atlas critique de la Guyane,
CNRS Editions, Paris, 2020, 335 p., ISBN : 978-2-271-13213-0


Disponible à partir du 17 septembre dans toutes les bonnes librairies (!) et sur le site de la maison d'édition.

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